Magazine ACT'ESS n°8 | Dossier : Les employeurs de l'ESS face à la transition numérique

Magazine ACT'ESS n°8 | Dossier : Les employeurs de l'ESS face à la transition numérique

La révolution numérique engagée depuis plusieurs décennies a connu une accélération avec la crise sanitaire. L’introduction de nouveaux outils numériques dans le quotidien de la plupart des salariés et la banalisation du travail à distance pour certains se sont ajoutées à l’exigence de pérenniser ou de développer l’activité des structures par une numérisation des services. Ces nouvelles modalités constituent un profond bouleversement et un défi à la fois dans l’organisation de l’entreprise, dans la relation clients et dans le rapport employeur-salarié.

LA TRANSITION NUMÉRIQUE, UN DÉFI DE TAILLE POUR LES STRUCTURES DE L’ESS

Comment réussir sa transformation numérique ? Comment poursuivre son activité, tout en intégrant de nouveaux outils et de nouveaux usages ? Les enjeux pour les employeurs de l’ESS sont importants et les écueils potentiels nombreux.

Comme le rappelle le rapport de l’Avise de 2019 intitulé « La transformation numérique : quels enjeux pour le développement des entreprises de l’ESS ? » le numérique est un outil incontournable tant les opportunités sont  nombreuses.  Le  rapport de l’Anact (2019) rédigé à la demande de l’UDES, sur « l’évolution des conditions de travail dans les entreprises de l’ESS face au numérique » est quant à lui plus prudent. En effet, la complexité réside davantage dans l’exécution que dans les technologies elles-mêmes. L’étude rappelle que cette démarche ne doit pas se résumer à une dimension purement technique mais doit être globalisée dans un projet appréhendant les différents enjeux.
 
Des dynamiques et enjeux majoritairement exogènes

Il apparaît, selon l’étude de l’Anact, à l’issue des investigations de terrain conduites au sein des structures, que les transformations numériques en cours sont pour la plupart dictées par une nécessité de s’adapter dans des délais de plus en plus contraints et en lien avec quatre facteurs récurrents :

  1. L’évolution de la demande des usagers et la nécessité d’améliorer la « satisfaction client ». C’est le cas en particulier pour les structures qui sont les plus exposées à une concurrence forte du secteur marchand. Elles doivent ainsi aligner leur offre de services dématérialisées à ce qu’il existe sur le marché et demeurer ainsi attractives.
  2. Les nouvelles exigences des acteurs institutionnels et l’imposition du recours à de nouveaux outils dématérialisés (reporting, trans- parence, imposition du système informatique...) pour les struc- tures disposant de financement public ou dépendant fortement des politiques publiques. C’est le cas notamment des missions locales avec leur outil national de gestion de parcours « e-milo » ; les outils mis à la disposition des structures d’animation par la caisse nationale des allocations familiales ou encore la plateforme d’orientation pour la gestion des places de logement.
  3. La baisse des subventions et des aides qui pousse les structures à réinterroger leur modèle économique et leur impose la dématérialisation d’une partie des services aux usagers pour rationaliser et optimiser les processus et les ressources mobilisées.
  4. L’intensification de la concurrence de nouveaux acteurs dont le modèle économique s’appuie sur des coûts de structure minimaux car fonctionnant sur des plateformes et des offres de services numériques.

La relation clients ou comment assurer la pérennité de la structure

Le numérique est un facteur évident d’attractivité pour l’entreprise qui en ne se conformant pas à la demande risque de voir s’effondrer son activité, à l’exemple du centre de loisirs et de vacances sportives CPA Lathus dans la Vienne. Le lancement d’une démarche de communication via les réseaux sociaux a contribué à attirer une clientèle au-delà de la région d’implantation, la numérisation des dossiers d’inscription a accéléré le traitement et absorbé l’augmentation des demandes, quant à la digitalisation d’une partie des sessions du centre de formation d’animateurs du centre - à l’occasion de la crise sanitaire - a permis d’assurer l’avenir de la structure dont l’activité commençait à s’essouffler.

A l’opposé, on constate dans certaines structures comme les Missions locales ou le réseau des centres sociaux de Picardie, que le numérique est un véritable frein aux démarches administratives des usagers. Dans ce cas, ce sont les salariés qui doivent se mettre à niveau et c'est à la structure elle-même d’adapter ses services pour pouvoir accompagner les bénéficiaires à l’utilisation d’outils qui leur permettront de s’insérer socialement.

Dans une coopérative, le manque d’anticipation et la non-implication des salariés ont causé l’échec de la démarche de transition numérique.

La montée en compétences des salariés : la clé d’une bonne transition numérique

La formation et les compétences apparaissent ainsi comme des mesures indispensables pour réussir la transformation de l’entreprise vers plus de numérique. Les auteurs du rapport de l’Anact regrettent cependant une approche encore trop restrictive chez les employeurs, souvent limitée à « une perspective d’adaptation », « il s’agit avant tout d’identifier et de définir les compétences nouvellement attendues ». Le manque de temps, de moyens et de savoir- faire des structures, indépendamment de leur taille et de leur activité, en seraient les raisons, selon l’Avise. Dans le cas d’une coopérative engagée dans sa transformation numérique, ce sont le manque d’anticipation et l’absence d’implication des salariés en amont qui ont causé l’échec de la démarche, engendrant méfiance et désorganisation chez les salariés.

Très lié au volet formation, l’emploi est au centre des entretiens menés auprès des acteurs de terrain de l’ESS par l’Anact. Les auteurs du rapport soulignent l’importance pour l’employeur de rassurer les équipes car l’automatisation des tâches génère un climat anxiogène pour les salariés qui craignent soit d’être déqualifiés, soit de perdre leur emploi. Des craintes renforcées par les fortes contraintes budgétaires qui touchent aujourd’hui un grand nombre de structures de l’ESS ou la concurrence de plateformes marchandes susceptibles d’offrir des prestations moins coûteuses.
 
Les points positifs du numérique

  • 61 % trouvent que le niveau de participation des salariés s’est amélioré
  • 50 % notent que l’information circule mieux
  • 30 % relèvent que la prise de décision est facilitée 50 % constatent que les tâches administratives prennent moins de temps.
  • 50 % utilisent le travail collaboratif

Les difficultés rencontrées

  • 76 % pour s’approprier le numérique
  • 34 % d’ordre technique
  • 30 % d’ordre financier pour s’équiper, former, etc.
  • 24 % d’ordre stratégique

5 POINTS DE VIGILANCE POUR ABORDER  LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE

Mettre en place dans sa structure une démarche orientée numérique implique une approche structurée, préparée en amont, un engagement de toutes les parties prenantes et un bon diagnostic à la fois des besoins, des conséquences et des risques encourus. Malgré tout, certaines situations, mal maîtrisées peuvent engendrer des effets délétères pour le projet. Voici quelques points à traiter pour éviter les éventuels écueils.

Dans une démarche de mise en place d’une politique ou d’une stratégie d’orientation
de son activité vers une transformation numérique, partielle (introduction d’un outil numérique) ou plus globale (modification de l’organisation du travailetdesprocessdefonctionnement de la structure), il est nécessaire de poser un diagnostic ; tout d'abord celui des besoins, puis des solutions à mettre en œuvre. Ensuite, afin d'installer une démarche concertée de prévention, les impacts et les facteurs de risque liés à l'usage des outils numériques doivent être identifiés et qualifiés.

L’étude « Impact du numérique et conditions de travail » conduite en 2019 par l’UDES et l’Anact, a mis en exergue les principaux impacts sur le travail, son organisation et les risques associés. Des éléments également énoncés dans le guide pratique publié à l’intention des employeurs de l’ESS pour « Appréhender les enjeux du numérique sur l’emploi et les conditions de travail ».

  • L’automatisation et la rationalisation des processus de production sont un moyen de focaliser les ressources sur des tâches à plus forte valeur ajoutée : analyse, traitements complexes, expertise spécifique, cas particuliers, etc. Cependant, cette démarche peut avoir pour conséquence la perception de la part des salariés d’une perte de sens dans le cadre de l’activité réalisée. De plus, l’automatisation peut être perçue comme une complexification de l’activité réalisée plutôt que comme une simplification. L’information sur l’intérêt de l’automatisation, la pédagogie et la préparation au changement en amont sont donc des étapes à ne pas sous-estimer.
  • Le biais « tout contrôle » de l’usage des outils numériques Les outils numériques et les usages associés peuvent avoir des effets positifs sur l’organisation et le fonctionnement du travail ; mais ils peuvent aussi être perçus comme des outils de contrôle excessif du travail et impliquer une importante charge de travail supplémentaire pour les managers et les salariés, contraints de rendre compte plus régulièrement via ces outils. Le risque sera d’autant plus fort que les outils seront mal adaptés. A nouveau, la sensibilisation est une étape essentielle.
  • La fragmentation du temps et du lieu de travail sont des phénomènes renforcés par le développement d’outils numériques, à savoir l’interruption fréquente de l’activité professionnelle du fait de l’instantanéité des demandes et des interactions liées à l’utilisation de certains outils. Ainsi avec le développement des outils numériques, l’activité professionnelle est de moins en moins inscrite dans un lieu unique et à un temps déterminé. D’où la nécessité de créer un cadre sécurisant et des limites à leur usage.
  • La multiplication des interactions entre les salariés d’une même structure peut causer un réel risque d’isolement etpeuvents’accompagner d’une possible dégradation de la qualité de ces relations et d’une éventuelle « déshumanisation ». Ainsi, le développement des outils numériques, s’il facilite la mise en relation à distance en créant de nouvelles possibilités d’échanges, doit être surveillé et pourquoi pas compensé par la création ou le maintien d’occasions de rencontres « en présence ».
  • Une polarisation des emplois peut être créée par le développement d'outils numériques, en isolant d’une part, des emplois émergents à forte valeur ajoutée et, d’autre part, des emplois en voie de déqualification dont le cœur de métier est érodé par les avancées de l’automatisation. La formation continue des personnels peut être une réponse à ce phénomène.

PASSER LE VIRAGE DU NUMÉRIQUE ? UNE QUESTION DE MÉTHODE

L'UDES et les cinq confédérations syndicales de salariés ont conclu un accord relatif à l’impact du numérique sur les conditions de travail et l’emploi dans l’ESS. Un guide a été réalisé pour faciliter l’appropriation de la méthode par toutes les parties prenantes.
 
Fin 2017, l’UDES, sous l’impulsion du groupe paritaire de dialogue social de l’ESS (GDS), a réalisé en partenariat avec l’Anact, une étude visant à mettre en évidence les impacts de la mise en œuvre des transformations numériques sur l’emploi et les conditions de travail dans les entreprises de l’ESS. Ces travaux ont permis l’ouverture d’une négociation et la conclusion d’un accord multi-professionnel le 6 octobre 2021.

Un accord à visée pédagogique pour aborder méthodiquement la question du numérique

L’accord est constitué de quatre parties qui doivent permettre de prendre en compte l’ensemble des aspects de la question du numérique dans les relations de travail :

  1. Une démarche inclusive en vue de la conduite du changement et de la mise en œuvre du dialogue professionnel, à l’intention des différentes parties prenantes concernées, soit : les employeurs, les managers et les salariés ;
  2. Les clés pour diagnostiquer aux niveaux des branches professionnelles et des entreprises, les impacts spécifiques du numérique, observer pour anticiper les impacts des évolutions des outils numériques sur les conditions de travail et l’emploi, et expérimenter dans un cadre respectueux des droits des salariés ;
  3. La sensibilisation, l’information et la formation des salariés, managers, représentants du personnel et des dirigeants pour permettre à toutes et à tous d’accéder à la transition numérique ;
  4. Les aspects directement opérationnels liés à l’usage des outils numériques sont abordés dans leur ensemble : respect de la vie personnelle, droit à la déconnexion, protection des données personnelles et sensibles ; contrôle de l’activité des salariés ; dialogue social ; télétravail.

En complément, un modèle indicatif de cadre collectif de mise en place du télétravail est annexé à l’accord et permet à la structure qui le souhaite d’envisager l’ensemble des points nécessaires à une mise en place sécurisée du télétravail via un accord ou une charte.

Pour permettre à chaque structure de l’ESS de se saisir de l’accord et de la méthode préconisée, l’UDES a réalisé un guide pratique composé de 14 fiches qui apportent des réponses concrètes aux problématiques liées au numériques dans différents contextes. Vous trouverez dans les pages suivantes des témoignages employeurs sur leur transition et les fiches pratiques correspondantes à leur situation.

PRATIQUES DU NUMÉRIQUE DANS L’ESS : PAROLE AUX EMPLOYEURS DE TERRAIN !

Dans le cadre de leur partenariat, l’UDES et Harmonie Mutuelle ESS ont réalisé quatre témoignages d’employeurs qui font face à la nécessité d’adapter leur organisation à l’arrivée des nouvelles technologies. Pour la pérennité de leur activité, au service de leurs clients et au bénéfice de leurs salariés, ils racontent pourquoi et comment ils ont réussi leur transition numérique. À écouter sur la chaîne Youtube de l’UDES.

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