Entretien avec Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Quel bilan faites-vous du Conseil national de la refondation (CNR) ?
Durant ces six derniers mois, je suis allé à la rencontre de ceux qui s’intéressent à la question du grand âge. Ces ateliers citoyens, qui s’inscrivent dans le cadre du CNR voulu par le Président de la République, vont faire l’objet de synthèses, qui serviront ensuite à la présentation d’une feuille de route.
Onze ateliers ont été organisés dans les territoires entre novembre 2022 et avril 2023, dont un en outre-mer. Ils sont partis d’un partage des constats et des propositions d’actions formulées dans les différents rapports existants. Ils ont été discutés entre des citoyens représentant l’ensemble des parties prenantes impactés par la transition démographique (professionnels, représentants d’instances locales, élus, parlementaires et représentants locaux de l’État).
La question du vieillissement de la défis qui se dressent devant nous. Elle n’est pas seulement un coût, elle est surtout un investissement pour l’avenir. En 2030, un tiers de la population française sera âgé de plus de 60 ans et les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans : notre société va changer de visage, il faut donc l’anticiper pour bien l’accompagner.
Le Président de la République et sa majorité ont pris un certain nombre de décisions très importantes : la création de la 5ème branche de la Sécurité sociale, le virage en faveur du domicile, la rénovation des ehpad et le choc de transparence que nous avons conduit suite à l’affaire Orpéa. Mon rôle est de conduire les étapes pour préparer le pays, autour de trois priorités :
- Mettre en place une politique globale d’adaptation de la société pour gagner des années d’espérance de vie en bonne santé. Il faut investir dans la prévention en construisant une politique d’adaptation de la société dans son intégralité, via l’évolution des transports, le développement de la pratique du sport, ou encore la prévention des chutes, première cause de mortalité des plus de 65 ans. Cela nécessite surtout, pour permettre aux personnes âgées de vieillir à domicile, d’adapter les logements, mais aussi de transformer l’habitat inclusif et les ehpad.
- Renforcer la citoyenneté des personnes âgées. Les personnes âgées souffrent d’un défaut de représentation. Bien vieillir dans la cité, c’est garantir la pleine citoyenneté à nos aînés. Cela peut passer par la valorisation de leur engagement, mais aussi par la nécessité de leur garantir une place dans la société du plein emploi.
- Attirer et de fidéliser les professionnels. Les métiers du social et du médico-social sont le 4ème pourvoyeur d’activité en France, pour parvenir à la société du « bien vieillir », il faut pouvoir s’appuyer sur des professionnels compétents et heureux. Le Gouvernement porte une stratégie globale sur les métiers de ces secteurs pour enrayer la dynamique actuelle. Cela comprend des mesures portées sur les salaires et des solutions structurelles en matière de formation, de parcours professionnels et de périodes de travail mieux valorisées et rémunérées.
Ces travaux du CNR ont été restitués le 4 avril dernier et j’ai annoncé les prochaines étapes de cet engagement à travers une feuille de route qui rassemblera les mesures nécessaires pour préparer la société au vieillissement de la population. Certaines mesures dédiées à améliorer la vie des personnes, des familles et des professionnels seront inscrites dans la proposition de loi Bien vieillir. D’autres mesures relèvent du financement et seront inscrites dans le PLFSS. Enfin, les mesures ne relèvent pas de la loi seront inscrites dans la feuille de route que je présenterai au mois de juin.
Que contiennent la proposition de loi « Bien-vieillir » et la loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge ? Quel agenda pour le vote de la loi ?
L’Assemblée nationale a débattu du contenu très riche de la proposition de loi initiale et des enrichissements portés par les oppositions. Ces échanges ont permis d’examiner la moitié du texte et de l’enrichir avec des débats qui se poursuivront prochainement. La feuille de route de la Première ministre indique l’objectif d’une adoption d’ici la rentrée. Le Gouvernement s’est montré déterminé à co-construire le texte : près de 20 % des amendements présentés ont été adoptés, ce qui témoigne de son ouverture et de sa volonté d’enrichir le texte.
La proposition de loi contient des mesures concrètes pour les Français et pour les proches qui les accompagnent. Par exemple, elle permet de garantir le droit de visite dans les ehpad et les établissements sanitaires. Elle consacre la création d’un guichet unique dans chaque département pour rechercher des informations ou solutions d’accompagnement. Elle permettra de lutter contre l’isolement des personnes âgées via, entre autres, la mobilisation du « fichier canicule » à la main des communes et des associations de lutte contre l’isolement. Enfin, le texte propose des avancées en matière de prévention avec le déploiement de dispositifs de repérage des fragilités.
Ce sont aussi des avancées concrètes pour les professionnels comme l’expérimentation d’une carte professionnelle pour les aides domicile, ou encore le financement de flottes de véhicules électriques via le département. L’enjeu évoqué par les parlementaires est de s’assurer que la branche Autonomie assure une programmation pluriannuelle des solutions d’accompagnement pour répondre aux besoins croissants des personnes âgées.