Magazine ACT'ESS N°7 | Arnaud Zegierman : « La majorité des Français aspire à un lien social fort »

ACT'ESS N°7 | Arnaud Zegierman : « La majorité des Français aspire à un lien social fort »Auteur, sociologue, Arnaud Ziegerman est cofondateur de l’Institut d’étude Viavoice qui analyse les grandes tendances de la société française. Dans « Entre déclin et grandeur : regards des Français sur leur pays », il décrypte le décalage entre le portrait d'un pays sinistré dépeint par certains commentateurs et les opinions plus positives qui émergent d’études.  

Dans un contexte qui voit les discours déclinistes se développer, est-ce que les Français vont vraiment si mal ? 

Il faut certainement nuancer ce diagnostic et surtout comprendre ce décalage entre un certain discours et la réalité. Dans le livre que nous avons rédigé avec Thierry Keller, nous avons utilisé la « technique du stéthoscope ». En fonction de la zone que l’on écoute, on entend des choses différentes. Par exemple, selon notre étude, 63 % des Français estiment que la France ne va pas bien et 69 % trouvent que les Français ne sont pas assez « soudés ». On pourrait penser que ça ne va pas. Or, si l’on déplace le stéthoscope, on constate que d’autres choses vont bien. 

Lesquelles ? 

A la question : « Est-ce que la France est un pays où vous vous sentez bien ? », ils répondent « oui » à 81 %. Lorsqu’on leur demande s’ils sont « chanceux de vivre en France », ils répondent par l’affirmative à 88 %. Si l’immense majorité de Français a le sentiment que la société n’est pas assez soudée et le déplore, nous n’avons pas un climat de tension et encore moins de « guerre civile », contrairement à ce que certains avancent. Nous sommes dans un pays où le lien social est un peu dissous, mais une majorité aspire à ce que ce lien soit fort. Ce n’est pas toujours évident dans d’autres pays, tels que l’Espagne, en Catalogne ou en Italie du Nord. En France, les gens veulent vivre ensemble !
Ce n’est pourtant pas toujours l’impression que l’on retire à la lecture de la presse…  

Lorsqu’on écoute les médias on obtient un prisme totalement décalé avec les perceptions et les aspirations des Français. On y évoque des problèmes qui n’ont rien à voir avec les préoccupations de 90 % des Français. Les thématiques traitées appartiennent de toute évidence au passé et n’ont rien à voir avec les enjeux d’avenir.  

Comment expliquez-vous ce décalage ?  

La question de l’immigration en est un parfait exemple. Les médias évoquent l’immigration comme un problème, pas comme une solution. Le problème n’est absolument pas de savoir si vous êtes pour ou contre cette immigration. N’importe quel démographe débutant sait que le besoin de populations immigrées va s’accentuer car on manque d’actifs. La France va devenir un pays avec une très forte proportion de retraités qui vont vivre de plus en plus longtemps. La vraie question est de savoir comment on va pouvoir faire face à ce choc démographique qui nécessairement devra faire appel à l’immigration. On constate les mêmes décalages entre traitement médiatique et problèmes réels à propos de la question de l’hôpital public ou de la justice.

Quelles en sont les implications pour le monde du travail ?  

Prenez la question de la réindustrialisation que les politiques ne cessent d’évoquer et de préconiser. Or, tous savent qu’on ne peut réindustrialiser à tout-va car l’industrie est polluante et que les contraintes environnementales actuelles ne le permettent pas. Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de débat sur les secteurs sur lesquels nous devons rester souverains, mais il faut être conscient qu’on ne va pas recréer de l’emploi avec les mêmes métiers qu’avant. Cela induit une réflexion sur les nouveaux métiers pour des territoires et des régions entières. 

Cela a-t-il aussi un impact sur le sentiment de solidarité et du vivre ensemble ? 

Nous sommes parvenus à identifier cinq catégories homogènes, plus ou moins égales en proportion, de la population. Elles vivent les unes à côté des autres et ne se connaissent pas vraiment, mais ce serait une erreur de croire que les gens s’opposent. Ce qui se passe, c’est qu’autrefois, il existait des institutions qui fédéraient ces populations, églises, syndicats ou partis politiques. On ne peut ni déplorer cette évolution, ni idéaliser le passé. La France traditionnelle d’autrefois était aussi un carcan qui enserrait la société dans toutes sortes de pesanteurs. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est inventer des nouvelles formes de sociabilité transversales. 

Dans ce constat, où se situe l’ESS et quelle rôle est-elle appelée à jouer ?      

Toutes ces problématiques sont celles sur lesquelles travaille l’UDES et ces constats sont valables pour le reste du monde de l’entreprise. A la question posée à un échantillon d’actifs : « Avez-vous le sentiment que là où vous travaillez les intérêts des salariés et des dirigeants vont dans la même direction ? ». 45 % des répondants nous ont dit « oui », contre 46 % « non ». Ce clivage constitue un enjeu de premier ordre, et pour l’ESS, il correspond à l’un des capteurs essentiels qui est de redonner du sens au travail. D’où l’importance d’expliquer les évolutions sur le long terme, car à défaut, beaucoup de gens vont faire leur travail et se comporter comme des citoyens a minima.  

Finalement qu’est ce qui rassemble les Français ? 

Quand on les interroge sur ce qui définit leur identité, la grande majorité répond : « le système de protection sociale ». Les Français sont très fiers de leur système. Mais il va falloir le réformer ou du moins le faire évoluer, afin qu’il soit plus efficace et plus adapté aux nouveaux enjeux et aux nouvelles formes de précarité. Dans les années à venir, on prévoit une diminution du chômage pour les personnes diplômées. En revanche, pour les non-diplômés, la situation sera beaucoup plus compliquée. Il faut intégrer à cette réflexion les chocs écologique et démographique et arrêter de penser le monde avec les paramètres et les thématiques d’hier. 

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