Magazine ACT'ESS N°3 | Entretien avec Hugues Sibille, Président de la fondation Crédit Coopératif et du Labo ESS et ancien Délégué interministériel à l’économie solidaire 

Entretien avec Hugues Sibille, Président de la fondation Crédit Coopératif et du Labo ESS et ancien Délégué interministériel à l’économie solidaire Entretien avec Hugues Sibille, Président de la fondation Crédit Coopératif et du Labo ESS et ancien Délégué interministériel à l’économie solidaire 

Les mutations s’accélèrent : sociales, numériques, écologiques… Quel rôle voyez-vous pour l’ESS dans les transitions à l’œuvre ? 

La mondialisation, la révolution digitale, l'intelligence artificielle accélèrent les mutations. Pour nous, ESS, la question centrale est ailleurs. Elle est dans l'amplification des menaces qui pèsent sur l'humanité. En majeur quatre épées de Damoclès écologiques : dérèglement climatique, pollution généralisée, régression de la biodiversité, disparition progressive des ressources fossiles. L'Australie, l'Amazonie, la Californie, la Sibérie ont brulé. Il faut ajouter aux menaces écologiques majeures, celles de crash financier, d'explosions sociales, de reculs de la démocratie. Et maintenant les pandémies mondiales ! 

Le rôle de l'ESS est d'abord d'affirmer un diagnostic sur les causes de ces menaces. Pour moi elles ont comme fil rouge une recherche excessive de profit à court terme, une mondialisation financière non régulée, une subordination des biens communs aux intérêts privés, une domination excessive de la sphère économique sur les autres sphères. Pourquoi et comment en arrive-t-on à ce que 90 % de la pénicilline mondiale soit fabriquée en Chine ? Le rôle de l'ESS n'est pas de chercher à rattraper et singer le capitalisme financier et technologique. Il est de proposer d'autres solutions. Mais cela oblige l'ESS à réinterroger son rapport à la croissance, à son bilan carbone, à l'utilité sociale de ses produits, à la sobriété... Je continue pourtant à croire que c'est elle qui est le mieux placé, parce qu'elle n'est pas assujettie au capital et au profit, pour proposer des solutions alternatives. Pour illustrer mon propos, une coopérative d'intérêt collectif propose une plus grande rupture entrepreneuriale que l'entreprise à mission, à laquelle je ne suis pas opposé. Nous devons nous battre pour que l'ESS devienne la norme d'une nouvelle "oïkos-économie".

Les entreprises de l’ESS portent des réponses à des enjeux de société cruciaux (mobilité, alimentation, éducation, services à la personne …) partout sur le territoire et sont porteuses d’innovation sociale. Que propose le Labo de l’ESS pour accompagner le changement d’échelle du secteur ?

Le Labo réinterroge le terme de changement d'échelle que j'ai moi-même beaucoup utilisé. Compte tenu du diagnostic supra, à quoi servirait de passer de 10 à 15 % du PNB si on ne transforme pas le modèle ? Nous devons faire un difficile travail de déconstruction de nos schémas de pensée. Admettre une certaine désorientation. Le Labo travaille aujourd'hui en privilégiant le Mezzo sur le Macro ou le Micro. Le Macro c'est l'économie France ou Monde. Le micro c'est l'entreprise. Nous pensons que la transition se joue centralement au niveau Mezzo c'est à dire le territoire et la filière. Ainsi nous faisons des propositions sur l'alimentation durable, la transition énergétique citoyenne, la mobilité soutenable ou la culture (souvent oubliée), sur les Nouvelles formes d'emploi.  

Au plan des territoires nous conduisons un ambitieux programme sur les dynamiques collectives de transition. Car la question centrale est moins de changer d'échelle que de faire en sorte que les initiatives alternatives dispersées fassent système. Nos propositions visent à accroitre l'ingénierie et la R&D (ex : communauté apprenante, transfert de savoir-faire), à améliorer les systèmes de coopération (ex : appel à communs) et à introduire la notion de valeur ajoutée sociétale. Nous participons, avec d'autres, à la création d'une "Fabrique des transitions".

Le 21e siècle sera celui de la révolution climatique. L’ESS doit-elle en prendre le leadership ? Pourquoi ? 

Ma réponse est oui, sans hésitation, avec un bémol sur le mot leadership. Il s'agit plutôt d'être, à la pointe et de polliniser le reste de l'économie. L'ESS doit d'abord devenir "ESSE", sociale, solidaire et écologique. Ce n'est pas si évident. J'ai trouvé l'ESS peu engagée sur la COP 21. Je la trouve aujourd'hui peu réactive sur le Green Deal Européen. Pourtant la jeunesse et une partie de l'opinion publique associent spontanément ESS et transition écologique. Si l'ESS ne répond pas vite et bien à l'enjeu écologique elle sera rapidement "has been". 

Pour être à la pointe l'ESS doit construire des politiques d'offre ambitieuse sur des filières comme la mobilité, l'alimentation, la santé, la finance etc. Aucun secteur ne nous est interdit. Ainsi je regarde avec intérêt le projet de la Scic Rail-Coop qui vise à faire rouler des trains sur certains tronçons abandonnés. L'ESS devrait travailler à proposer des bouquets de solutions à ceux qui veulent agir en faveur de la transition écologique (Enercoop, Biocoop, Mobicoop, Crédit Coop etc). Il me semble par ailleurs que la transition écologique étant une vraie révolution culturelle, l'ESS devrait être à la pointe d'une ambitieuse politique d'éducation populaire en faveur d'une transition écologique ET solidaire.

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