Le droit européen influence directement le droit national. En comprenant mieux les obligations qui découlent du droit européen, les employeurs peuvent mieux se préparer à répondre aux exigences légales, renforçant ainsi leur position en tant qu'acteurs responsables. En abordant les tendances et les changements prévisibles dans le droit du travail, il s’agit aussi d’accompagner les conseillers prud’hommes de l’UDES à anticiper les évolutions législatives ou jurisprudentielles.
Le droit social européen, bien que relativement récent, a considérablement influencé la législation française, notamment dans le domaine du travail. En 1989, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux a été adoptée, marquant un tournant. Depuis, les réformes du code du travail en France ont été largement inspirées par des normes européennes, telles que le repos quotidien, le temps de pause, etc. Le droit de l'Union européenne aborde divers aspects du droit du travail, y compris la lutte contre les discriminations et la santé au travail. Le Conseil de l'Europe et la Cour de cassation française jouent aussi un rôle crucial, la première promouvant les droits fondamentaux, et la seconde intégrant de plus en plus ces normes dans ses décisions. Des arrêts récents, comme celui relatif aux congés payés durant un congé maladie, montrent cette influence croissante.
La législation sociale européenne repose sur le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui définit des compétences partagées
et des consultations avec les partenaires sociaux. Parmi les initiatives récentes figurent la directive sur le salaire minimum adéquat et celle concernant les travailleurs des plateformes. Des propositions pour améliorer les conditions des stagiaires sont également en cours. À l’avenir, plusieurs directives sont attendues, notamment sur le télétravail, le droit à la déconnexion et la révision des comités d'entreprise européens.
Les décisions de la Cour de cassation, qui contribuent à façonner le droit du travail français, illustrent l’influence croissante du droit européen en France – visant alternativement ou conjointement les directives européennes, les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, et les conventions de l’Organisation internationale du Travail.
Quelques exemples d’évolutions sous l’influence du droit social de l’Union Européenne
La preuve déloyale
Jusqu’à décembre 2023, la Cour de cassation excluait systématiquement les preuves obtenues de manière déloyale. Mais à partir de cette date, la Cour a décidé d'adopter une approche plus nuancée, permettant que de des preuves obtenues de manière déloyales ou illicites soient prises en compte sous certaines conditions, en alignement avec la jurisprudence de la CEDH.
Les congés payés pendant l'arrêt maladie
La Cour de cassation a affirmé que les salariés acquièrent des congés payés durant les périodes d’arrêt maladie, en conformité avec la directive 2003/88/CE. Cette décision a eu des conséquences législatives, avec l’adoption de la loi du 22 avril 2024 pour adapter les règles sur les congés payés au droit européen.
Durée maximale hebdomadaire de travail
La jurisprudence récente concernant la durée maximale de travail souligne la volonté de respecter les normes européennes. Par exemple, dans un arrêt du 26 janvier 2022, la Cour de cassation a affirmé que le dépassement de la durée de travail hebdomadaire ne nécessite pas de démonstration de préjudice pour être sanctionné. Cela renforce l'idée que le simple constat d'une violation de la directive 2003/88/CE ouvre droit à réparation.
Respect des temps de repos conventionnels
Dans un arrêt du 7 février 2024, la Cour a jugé que toute violation des temps de repos conventionnels entraîne un préjudice pour le salarié. Cette décision s'applique également aux dispositions légales minimales, ce qui démontre un alignement fort avec les exigences européennes en matière de santé et sécurité au travail.
Répercussions sur le suivi médical
Concernant les obligations de suivi médical, la jurisprudence indique qu'il n'existe pas de préjudice automatique en cas de non-respect par l'employeur. Cela s'explique par le fait que les directives, comme la directive 89/391, ne fournissent pas de droits clairs et inconditionnels concernant le suivi médical, rendant difficile l'imposition d'une réparation sans preuve de préjudice.
Quelques points de vigilance sur des dispositions nationales susceptibles de non-conformité avec le droit européen
Suivi médical du travailleur de nuit
Le travail de nuit soulève des enjeux spécifiques en matière de santé, et la directive 2003/88/CE impose des exigences pour le suivi médical des travailleurs de nuit. La question est de savoir si ces dispositions sont d'effet direct (pourvoi devant la Cour de cassation).
Absence de mention de la convention collective sur le bulletin de paie
Actuellement, l'absence de mention de la convention collective applicable sur le bulletin de paie ne crée pas de préjudice nécessaire (Cass. soc., 17 mai 2016). Cependant, la directive 2019/1152 impose des exigences claires concernant l'information sur les éléments essentiels de la relation de travail, y compris la mention de la convention collective (article 4). Ce défaut d'information pourrait donc constituer une violation de la directive, remettant en cause la jurisprudence existante. La question de l'effet direct de ces dispositions doit être explorée pour déterminer si elles pourraient entraîner des sanctions en cas de non-respect.
Forfaits jours
Le Comité européen des droits sociaux a critiqué le régime du forfait jours en France, arguant qu'il n'y a pas de limitations légales sur la durée maximale de travail hebdomadaire. Il considère que ce manque de régulation constitue une non-conformité avec l'article 2, paragraphe 1 de la Charte sociale européenne, qui vise à garantir une durée raisonnable du travail. Les décisions récentes de la Cour de cassation ont cherché à établir des clarifications pour protéger les travailleurs sous ce régime, mais elles semblent insuffisantes aux yeux du Comité. En l'absence de modifications législatives, la situation en France pourrait être jugée non conforme aux normes européennes.













