Magazine ACT'ESS N°8 | La Maison de répit de Lyon, une parenthèse pour les aidants
Le 18 juin 2019, la fondation France Répit en partenariat avec le Groupe Apicil, inaugurait la première Maison de répit en France. Cet établissement unique cogéré par la fondation OVE, propose aux enfants et aux adultes fragilisés par une maladie ou un handicap, ainsi qu’à leurs proches aidants, des séjours réguliers de répit et d’accompagnement.
Sortie de terre en 2019 à Tassin-la-Demi-Lune, près de Lyon, la Maison de répit était alors un concept inédit. Ce lieu de vie est né d’un travail collectif, porté à la fois par les soignants et les familles qui constataient qu’au domicile, la prise en charge concernait avant tout les soins au patient, mais pas l’accompagnement des proches. Porté par la Fondation France Répit, qui l’a financée grâce à la générosité de mécènes, dont le Groupe Apicil, la Maison de répit est gérée en partenariat avec la Fondation OVE et bénéficie d’un agrément de l’Agence régionale de santé qui prend également en charge le budget de fonctionnement.
Un temps de pause et de réflexion pour accompagner les aidants
La Maison de répit est un concept unique en France. Accessible aux 165 000 aidants domiciliés dans la métropole lyonnaise, l’enjeu est d’entourer les aidants épuisés à travers plusieurs modes d’accompagnement. La Maison accueille les personnes malades et leurs proches pour des séjours réguliers de ressourcement et d’accompagnement, jusqu’à 30 jours par an. Ce temps de pause a aussi pour but de mener une réflexion plus large, avec les professionnels de l’équipe mobile présente sur place, d’identifier l’origine de l’épuisement, de réévaluer et éventuellement de réajuster les besoins du domicile. Ils sont 30 professionnels et 60 bénévoles à animer cette offre inédite de soutien aux aidants. Le service apporté par l’équipe mobile est gratuit et sans limite de durée. Les familles participent seulement aux frais d’hébergement et de repas - soit 20 euros par jour - pris en charge par certaines mutuelles, voire par le fonds social de la Fondation France Répit, pour les familles en difficultés financières.
L’irruption de la maladie grave ou du handicap dans une famille génère aussi des questions intimes. C’est pourquoi le leitmotiv des professionnels de la Maison reste l’écoute et l’accompagnement, au rythme et au gré des besoins de chacun.
Un système de santé pas suffisamment centré sur les aidants
L’accompagnement ne s’arrête pas aux portes de la Maison de répit. L’innovation réside aussi dans une approche externalisée. L’équipe mobile suit 450 familles à domicile. « Quand une famille prend contact, c’est qu’il y a un besoin. Aucune prescription médicale, ni reconnaissance par la MDPH* n’est exigée. Notre équipe se rend d’abord à domicile car le lieu de vie dit beaucoup sur la capacité de la famille à gérer une situation (composition du foyer, situation économique, aides mobilisables à proximité…) », explique Henri de Rohan-Chabot, à l’origine de la Fondation France Répit et créateur de la Maison du répit.
Partie prenante dès l’origine du projet en 2013, le Groupe Apicil s’est engagé dans cette innovation dans la continuité de son offre de santé à l’intention des aidants. L’espoir initial que ce modèle soit dupliqué sur le territoire national est en cours de réalisation.
« La Maison de Lyon est un prototype qui a vocation à se développer avec la création d’une Maison par région. Ce déploiement nécessitera la création d’un statut dédié à ces établissements, ainsi qu’un encadrement des pratiques professionnelles, deux sujets en cours de réflexion au plan national. En attendant, notre prochaine Maison du répit devrait ouvrir début 2025 en Ile-de-France, à Boulogne-Billancourt et accueillera une quarantaine de patients et d’aidants, tous âges et toutes situations de santé confondues. »
Qu’est-ce que le répit ?
Le répit est un terme « valise » sur lequel les recherches ne font que commencer. Les travaux scientifiques menés par la Fondation France Répit depuis près de dix ans, ont déjà permis d’élaborer une définition des « soins de répit », que nous rappelle Henri de Rohan-Chabot : « Le répit est à la fois un temps de rupture dans une routine du quotidien qui peut être éprouvante autant pour les aidants que pour les personnes accompagnées à domicile. C’est aussi une démarche d’accompagnement qui se veut systémique, globale et continue. Systémique parce que c’est tout l’écosystème autour du patient qui peut être fragilisé. Globale parce que l’irruption du handicap ou de la maladie peut avoir des conséquences sur toutes les dimensions de la vie. Elle engendre des tensions familiales et financières et a des impacts sur la vie sociale et professionnelle. Continue parce que c’est dans la durée que l’accompagnement doit être pensé ».
La reconnaissance de ce terme et de l’état de fait qu’il représente est en chemin, puisqu’en 2022, l’État a confié à la Haute autorité de santé, le soin de travailler sur la pratique du répit, tandis que l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a été missionnée pour « lever les freins juridiques et financiers autour de l’offre de répit à destination des proches aidants ».
Depuis que la politique publique « Agir pour les aidants » a été engagée en 2019, les initiatives gouvernementales se multiplient sans que pour l’instant un statut des aidants ait été défini. Si la Fondation France Répit se mobilise en faveur de la reconnaissance de l’aidant et sur les moyens mis en œuvre pour l’accompagner, elle reste prudente concernant la création d’un statut des aidants, de crainte que ces derniers ne soient assignés à ce rôle et qu’ils ne deviennent la variable d’ajustement d’un système de santé en grande difficulté.
Henri de Rohan-Chabot, créateur de la Maison du répit
